Book Description

"Adamsberg attrapa son téléphone, écarta une pile de dossiers et posa les pieds sur sa table, s'inclinant dans son fauteuil. Il avait à peine fermé l'oeil cette nuit, une de ses soeurs ayant contracté une pneumonie, dieu sait comment. La femme du 33 bis ? demanda-t-il. Veines ouvertes dans la baignoire ? Pourquoi tu m'emmerdes avec ça à 9 heures du matin, Bourlin ? D'après les rapports internes, il s'agit d'un suicide avéré. Tu as des doutes ? Adamsberg aimait bien le commissaire Bourlin. Grand mangeur grand fumeur grand buveur, en éruption perpétuelle, vivant à plein régime en rasant les gouffres, dur comme pierre et bouclé comme un jeune agneau, c'était un résistant à respecter, qui serait encore à son poste à cent ans. Le juge Vermillon, le nouveau magistrat zélé, est sur moi comme une tique, dit Bourlin. Tu sais ce que ça fait, les tiques ?".Alice Gauthier, une dame d'un certain âge, est retrouvée morte chez elle. Tout laisse penser à un suicide. Sauf un étrange motif dessiné à proximité de la baignoire. Le commissaire Bourlin, qui ne veut pas classer l’affaire malgré la pression du juge d’instruction, en appelle à son collègue Adamsberg, et surtout à Danglard, l’érudit à la mémoire phénoménale. C’est le départ d’une enquête qui va mener Adamsberg et ses hommes dans le Creux, coin perdu des Yvelines, mais aussi en Islande, sur un bout de roche maudit nommé l’île aux Renards et leur faire remonter le temps, à l’époque de la Révolution, et des séances de l’Assemblée animée par le dangereux, l’énigmatique Robespierre, alors que les morts suspectes se multiplient !Fred Vargas est l’un des auteurs français de roman policier les plus appréciés, mais elle n’est pas la plus prolifique, puisque quatre ans séparent Temps glaciaires de son précédent roman, l’Armée furieuse. Qu’à cela ne tienne, si la qualité est au rendez-vous. Et le moins qu’on puisse dire, c'est que la qualité est bien présente ! Une intrigue nouée « comme une boule d’algues séchées » qui donne du fil à retordre au commissaire emblématique de l’auteure, mais également à son équipe, une plongée au cœur d’une association qui fait revivre les grands instants de la Révolution autour d’un Robespierre plus vrai que nature, une virée en Islande dans un coin perdu, évité par les locaux par superstition, où se joua une décennie auparavant un drame que les survivants enfouirent au plus profond d’eux-même, mais aussi dans les états d’âmes de Jean-Baptiste Adamsberg et tribulations de ses subalternes. Fred Vargas fait preuve d'une imagination foisonnante, étayée par un contexte historique bien étudié, sans pour autant oublier les rebondissements inhérents, pour ne pas dire cruciaux, au genre.Car le point fort chez Fred Vargas, c’est bien les différents personnages qui composent la brigade. Danglard, le commandant aussi érudit que disposé aux digressions, Retancourt, le lieutenant qui aurait pu postuler comme pilier dans le XV de France de rugby féminin, Voisenet, ichtyologue accompli, Noël, lieutenant à l’humour pesant et perpétuellement en désaccord etc., et surtout Adamsberg lui-même, le policier instinctif, adaptable, à l’allure de je-m’en-foutiste, laissant pas mal de lattitude à ses hommes, mais qui reste toutefois indispensable pour tenir cette équipe aux allures de bras-cassés.Si Temps glaciaires est sans conteste un véritable roman policier, en revanche, il ne donne pas dans la noirceur venue des pays scandinaves et qui contamine les pays du monde entier. Si les soucis n’épargnent pas la brigade, le récit est ponctué de reparties, d’anecdotes, d’élucubrations qui sont la caractéristique de Fred Vargas et font du roman un livre dont on ne sort pas complètement déprimé par l’état de la société, mais avec l’impression d’avoir voyagé, appris quelque chose (sauf à être un érudit en histoire comme Danglard ou Veyrenc), tout en ayant passé un très bon moment. Car l’intrigue, complexe à souhait, nous entraine dans ses méandres, alternant les temps forts et les moments plus calmes, sans que jamais l’on ne s’ennuie.On se laisse prendre au jeu, piégé par des individus aussi instables que hauts en couleurs, balader à droite et à gauche, aussi bien géographiquement que temporellement, pour un résultat des plus réussis. Un Fred Vargas de grand cru !